Qu’est-ce qu’un canon ?

Un “canon”, dans ce contexte, n’est pas une pièce d’artillerie, mais désigne les livres qui forment le Nouveau Testament. Ce mot vient du grec (kanôn) désignant d’abord une mesure (penser à une tige ou une canne en bois). Ce mot grec était aussi utilisé de manière abstraite, par exemple pour désigner des listes ou tables de mesures en astronomie, ou bien des critères de vérité en philosophie. Où pouvons-nous trouver la juste mesure ? Comment distinguer le vrai du faux ? Pour cela, les grecs regardaient aux kanones !

L’histoire du canon du Nouveau Testament n’est pas simple, comme toute question mélangeant histoire et théologie. Ce qu’il faudra retenir, avant de parler de dates, c’est qu’il a fallu beaucoup de temps avant d’arriver à un consensus. Plusieurs personnes ont proposé des listes de livres acceptés et reconnus comme inspirés, mais cela ne veut pas dire que ces listes étaient, dès le début, uniformément reconnu à travers la chrétienté. Quelques différences majeures ont persisté, surtout entre l’Ouest (chez les latins romains) et l’Est (chez les grec byzantins).

On peut tout de même citer une lettre d’Athanase d’Alexandrie, datant de 367 et donnant la liste des 27 livres du Nouveau Testament et en les nommant “canoniques”. Cette lettre ne représente pas tout à fait une décision officielle et unanimement admise, mais elle représente bien la situation de l’époque. Notons que la liste n’a été fixée “officiellement” par (et pour) l’église Catholique qu’en 1546, lors du Concile de Trente !

Cette complexité, et cette diversité, nous enseignent d’abord à avancer avec humilité dans la recherche historique. De plus, elle nous permet de voir que les notions de dialogue et de diversité sont présentes au sein de la formation du Nouveau Testament. On parlera de “canon” pour désigner l’idée de “règle de vérité”, mais cela ne veut pas dire qu’une telle “règle” est facilement énoncée, comprise ou interprétée à travers les siècles ! Il y a toujours une certaine diversité. Cela dit, la diversité n’est pas infinie. L’idée d’un canon permet aussi de mettre des barrières et des mises en gardes face à des doctrines qui ne peuvent pas être acceptées comme chrétiennes.

Canon : liste ou règle ?

La notion de “canon” est donc riche. Pour simplifier les choses, on peut surtout voir que lorsqu’on parle du canon du Nouveau Testament, on peut mettre l’accent ou bien sur la notion de liste, ou bien sur la notion de règle. Et selon notre conception des choses, cela peut amener à des conclusions théologiques différentes.

Si “canon” veut dire surtout “liste”, alors le Nouveau Testament n’est qu’une collection de livres choisis par l’Église. Il y a une liste “officielle” car il y a eu une décision prise par l’autorité en place pour choisir cette liste.

Le canon du Nouveau Testament serait donc choisi par l’Église.

Si “canon” veut dire “règle”, alors c’est le canon lui-même qui fait autorité, car les livres qui le composent sont reconnus comme ayant l’autorité sur les chrétiens.

Le canon du Nouveau Testament serait donc reconnu par l’Église.

On voit donc comment cette petite différence peut aboutir à deux conceptions opposées de la Bible et de l’Église. Selon le point de vue Catholique, le canon a été choisi par l’Église, et celle-ci demeure donc l’autorité infaillible. Selon le point de vue Protestant, le canon a été reconnu par les chrétiens, et c’est donc bien la Bible qui a l’autorité infaillible.

De mon point de vue, je trouve que l’histoire est plutôt du côté des protestants. L’autorité et l’inspiration des 27 livres du Nouveau Testament ont été reconnus bien avant qu’une certaine institution Catholique n’en fasse une liste officielle.

Une brève chronologie du canon du Nouveau Testament

Comment un texte en vient à faire partie du Nouveau Testament ? Après avoir circulé dans différentes communautés pendant quelques décennies, on remarque qu’un tel texte sera lu lors des cultes, et reconnu d’un même niveau d’importance et d’autorité (si ce n’est plus) que les textes de la Bible hébraïque, considérés comme Écritures Saintes. C’est à partir de là qu’on peut se demander : quels sont les textes lus et reconnus comme ayant autorité dans les différentes communautés chrétiennes ?

La recherche historique nous permet alors de dresser un bref tableau comme celui-ci:

• Années 50-110 de notre ère : les textes du Nouveau Testament sont écrits, compilés, terminés, distribués, recopiés, etc.
• Années 110-150 : il apparait rapidement que certains textes sont toujours lus et reconnus dans les communautés chrétiennes : le regroupement des quatre Évangiles, le regroupement des treize lettres de Paul, et d’autres textes comme 1 Jean, 1 Pierre, et parfois l’Apocalypse. Les différences notables sont : l’acceptation hésitante de l’Apocalypse dans la plupart des communautés grecques orientales, et la tentative d’harmonisation des quatre Évangiles en un seul (le Diatessaron) dans les communautés syriaques.
• Années 150-350 : Reconnaissance graduelle (selon les communautés) des textes de Jacques, 2 & 3 Jean, 2 Pierre, Hébreux, Jude et Apocalypse (en Orient).
• Après 350 : des listes “canoniques” sont publiées, comme celle d’Athanase, ou annoncées lors de certains conciles régionaux (concile de Carthage en 397 et en 419), mais quelques différences demeurent entre les listes des communautés latines, grecques et syriaques.

Aujourd’hui, globalement toutes les églises chrétiennes reconnaissent les même 27 livres du Nouveau Testament.

Conclusion

Rappelons donc que la Bible n’est pas un texte unique, mais une collection. Il y a un dialogue au cœur même de celle-ci. L’Écriture Sainte est aussi un dialogue sacré !

Et pourtant, bien que très diverse, le Nouveau Testament reste uni autour d’un même message. Il est uni autour du Christ, et ce message, c’est la Bonne Nouvelle.

À mesure que la notion de canon s’est développée dans la chrétienté, entre les années 150 et 350, les chrétiens ont reconnu que l’enseignement du Christ et de ses apôtres, ceux qui ont marché avec lui, a une autorité éternelle.

Il existe de nombreuses façons dont les différentes confessions chrétiennes sont divisées, et pourtant chaque dénomination partage le même canon du Nouveau Testament. Pour moi, cela met bien en avant le caractère reconnu (et non choisi) de l’autorité du Nouveau Testament.

Gloire à Dieu, et merci à lui pour les Écritures, cette source éternelle de sagesse !